
Location:
Paris, France
Genres:
World News
Networks:
RFI
Description:
Du lundi au vendredi, un reportage pour mieux connaître la société française et comprendre ses débats.
Language:
French
Website:
http://www.rfi.fr/
Episodes
Avec les «Mamas de Grigny», une cuisine solidaire et engagée pour les défavorisés en région parisienne
4/10/2025
À Grigny, dans le département de l'Essonne, en 2019, un groupe de femmes immigrées, sans papiers et sans emploi, pour la plupart, a fondé le collectif baptisé « les Mamas de Grigny ». Au-delà de leurs situations précaires, elles partagent une passion : la cuisine. De ventes à la sauvette devant la gare de leur ville, qui les exposaient régulièrement aux forces de l'ordre, elles se sont engagées dans un processus de professionnalisation, visant une régularisation de leur situation et une autonomie financière.
Devant l'espace jeunesse Nelson Mandela du quartier de la Grande Borne, à Grigny, en région parisienne, une bonne odeur de cuisine titille les narines. Chaque mardi et jeudi matin, les « Mamas de Grigny » occupent la cuisine du centre social mis à leur disposition par la municipalité de Grigny. Raphaëlle Lebouc, qui travaille pour l'association qui accompagne les mamas dans leur projet de professionnalisation en cuisine, nous présente les cuisinières du jour.
Parmi les six dames qui s'affairent dans la cuisine, Cécile, une veuve de 40 ans, originaire de la République démocratique du Congo témoigne : « On fait de l'attiéké avec du poisson. On travaille deux fois, mardi et jeudi. On travaille pour les sans-abris, avec les gens qui sont en précarité. On les aide », explique-t-elle.
Pendant que Cécile coupe les oignons, Aïcha, une ivoirienne de 30 ans, est en train de frire du poisson. « Aujourd'hui, on fait de l'attiéké au poisson. Mais à part ça, on fait du tiep, on fait du mafé, on fait du yassa, du potopoto », énumère-t-elle. De l'autre côté de la cuisine, Fatoumata, une quinquagénaire malienne, s'occupe, elle, du dessert : « Moi, je fais les salades de fruits. Avant, je ne travaillais pas, je partais à la gare pour vendre », se rappelle-t-elle. Oumou passe l'attiéké à la vapeur. Cette quadragénaire burkinabé faisait, elle aussi, de la vente illégale de nourriture. « Je vendais le tiep à la gare. On ne part plus à la gare, maintenant », se souvient-elle.
Une période révolue donc pour les Mamas de Grigny qui ne font plus de la vente à la sauvette. Depuis 2019, elles sont accompagnées par le Groupement de recherche pour le développement rural (GRDR) Migration-Citoyenneté-Développement. « Le but du GRDR, ce n'est pas de seulement faire un accompagnement juste pour leur donner des locaux et les aider à cuisiner. C'est de lever les freins sociaux. Donc, ce sera à propos des questions de logement, de rémunération, mais aussi de papiers. C'est nous qui nous occupons de leur dossier et c'est vrai qu'on va essayer de valoriser leur engagement citoyen sur le territoire », détaille Raphaëlle Lebouc, chargée de mission entrepreneuriat et initiative féminine du GRDR Migration-Citoyenneté-Développement.
Le projet des « Mamas de Grigny » permet à des femmes précaires de bénéficier de formations pour renforcer leur compétence en cuisine et en gestion. L'objectif de ces femmes immigrées est d'ouvrir un restaurant solidaire à Grigny, une ville de France dans laquelle une large majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
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Chikungunya à La Réunion: une campagne de vaccination inédite pour contrer l'épidémie
4/9/2025
Depuis le début de l'année 2025, plus de 27 500 personnes ont déjà été officiellement contaminées le chikungunya, et plus de 6 300 cas ont été enregistrés la semaine dernière sur l'île de La Réunion. Transmis par le moustique tigre, le virus provoque de la fièvre, de fortes douleurs articulaires et parfois des éruptions cutanées. Si les symptômes durent normalement quelques jours, il peut, notamment pour les personnes fragiles, âgées ou atteintes de comorbidité, entraîner la mort. Pour éviter les cas les plus graves, une nouvelle étape vient d'être franchie dans la lutte contre le chikungunya avec le lancement d'une campagne de vaccination.
Depuis le 7 avril à La Réunion, les pharmaciens et médecins peuvent vacciner contre le chikungunya ; 40 000 premières doses ont été livrées, comme à la pharmacie de La Trinité à Saint-Denis. « Alors ça, c'est le vaccin IXCHIQ. C'est le vaccin qui est préconisé pendant l'épidémie de chikungunya », explique Paul Dumas, pharmacien. Face à cette campagne inédite, il faut rassurer autour du tout nouveau vaccin créé par le labo franco-autrichien Valneva, expliquer par exemple qu'il n'a rien à voir avec le fonctionnement de l'ARN messager utilisé contre le Covid-19. « C'est un virus de chikungunya atténué qu'on injecte au patient, et le patient va développer des anticorps contre le chikungunya. Et après, il sera protégé par rapport à ce virus. »
Le vaccin protège au bout de 15 jours après l'injection et pour au moins trois ans. Malgré tout, certaines personnes hésitent encore, comme Bernadette : « Je veux parce que j'ai un problème cardiaque, et en même temps, je ne veux pas, car j'ai fait trop de vaccins ces derniers temps. Mon mari va le faire. Lui, il attend ça avec impatience. Il est diabétique, c'est sûr qu'il va le faire. »
Se faire vacciner par mesure de prévention
Pourtant, les dix doses quotidiennes réservées dans chaque pharmacie aux plus de 65 ans souffrant de comorbidités trouvent preneurs. Patrick a 76 ans, de l'asthme et un problème aux reins. Il a donc saisi l'occasion de cette injection gratuite avec une ordonnance : « C'est par sécurité. C'est idiot de risquer de tomber malade pour une absence de vaccin. Il existe, alors autant le faire. J'ai mes petits voisins qui ont été contaminés. Ils étaient malades pendant trois jours avec 39°C de fièvre. Je n'ai pas envie de vivre ça. Moi, je crois à la vaccination. »
Et pour se donner du courage, Patrick est venu avec Cathy : « J'ai 61 ans, je suis la conjointe de Patrick et je voulais me faire vacciner en même temps. Même si je ne suis pas éligible au vaccin, puisque je suis trop jeune et je n'ai pas de comorbidité. Mais bon, j'ai payé mon vaccin et je me fais vacciner en même temps que lui pour éviter de l'attraper éventuellement avant qu'on soit immunisé tous les deux. C'est une sécurité pour nous deux. Et puis bon, j'ai appris que pour les femmes enceintes, c'est compliqué. On a une fille qui va peut-être être enceinte, alors je n'ai pas envie de ramener ça dans son jardin. Je crois que c'est une sécurité pour tout le monde. »
Le vaccin est coûteux pour ceux qui ne sont pas pris en charge. Prix de vente conseillé : 190 €. Une injection qui, pour l'heure, n'est pas recommandée aux femmes enceintes et aux enfants.
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L'impact des data centers à Marseille, hub internet mondial qui se transforme
4/8/2025
Marseille, deuxième plus grande ville de France... et plus étonnement, sixième hub internet mondial, soit l’un des principaux carrefours du trafic internet. La cité phocéenne vient même de dépasser Hong Kong. Conséquence : les centres de stockage de données numériques (data centers, ou centres de données) se multiplient. L'entreprise américaine Digital Reality a pour projet de s'étendre encore en plein cœur de la ville en y construisant son cinquième centre de données. Mais elle fait face à l'inquiétude des riverains qui craignent des répercussions pour leur environnement.
Ils sont une trentaine à se réunir devant le futur cinquième data center marseillais. Jean-Pierre Lapebie, président de l'association de riverains Cap au nord, confie : « Ces data centers, en eux-mêmes, consomment énormément d'énergie électrique. Donc ça pose un problème. D'autant plus que ces quartiers manquent d'espaces verts. Il y a une population qui est en souffrance avec une précarité énorme. Et cette population, on la met en dehors de toute discussion ou initiative sur leurs projets collectifs de vie. »
Installé depuis dix ans à Marseille, Digital Realty, l'entreprise à l'initiative des data centers marseillais, a accepté de nous recevoir pour découvrir ces centres de l'intérieur et comprendre leur impact environnemental. « Voilà un exemple de salle. Vous voyez un certain nombre d'équipements », commente Fabrice Coquio, PDG de Digital Reality, en déambulant dans une salle au milieu de tours électroniques connectées où transitent des datas.
« Nous colocalisons les investissements informatiques de nos clients pour pouvoir faire en sorte que, demain ou ce soir, vous passez une commande en ligne, vous consultez votre compte bancaire, vous renouvelez votre permis en ligne ou tout simplement, vous envoyez un email à votre grand-mère. » Ces centres de data stockent donc les données d'entreprises. Autre fonction : les mettre en relation. Et ça se passe dans une salle bien moins bruyante. « Et là, vous voyez, sur ces tiroirs à haute densité, on va connecter 24 fois monsieur A avec monsieur B, monsieur C avec monsieur D et ainsi de suite », poursuit le PDG en montrant les outils informatiques.
« C'est légitime d'avoir des interrogations »
Des infrastructures qui prennent de la place et nécessitent aussi d'être refroidies. Sur le toit du bâtiment, d'énormes tuyaux et de grosses cuves font le travail : « On est sur la terrasse technique du data center. Vous avez tous ces systèmes de groupes froids. C'est un peu comme le moteur que vous avez derrière votre réfrigérateur à la maison. Sauf qu'ils sont un peu plus gros. »
Aux inquiétudes des habitants, Fabrique Coquio répond : « C'est légitime d'avoir des interrogations, parce qu'à partir du moment où vous avez des machines informatiques, ça consomme de l'énergie. » Mais il insiste, le projet de nouveau centre de stockage est conforme, notamment au code de l'environnement : « Il faut savoir qu'en France, on ne peut pas faire n'importe quoi, heureusement. De toute façon, vous ne pouvez pas construire un data center si vous n'avez pas d'autorisation. Et après, vous avez des audits, pour vérifier la conformité de votre service. Ce qui est complètement normal. »
Pour l'instant, rien n'entrave la tenue du projet. Ce cinquième site devrait voir le jour d'ici à 2026.
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En région parisienne, la crise diplomatique entre Paris et Alger vue par les Franco-Algériens
4/7/2025
Durant huit mois, les Franco-Algériens ont été les spectateurs impuissants de l'escalade diplomatique entre Paris et Alger. En région parisienne, RFI est allé recueillir leurs témoignages à l'occasion d'un projet théâtral monté par Abdelwaheb Sefsaf, directeur du théâtre de Sartrouville.
Après huit mois d'une crise diplomatique sans précédent entre Paris et Alger, d'escalade, de menaces et de mesures de rétorsion, la France annonce une « nouvelle phase » dans les relations entre les deux pays, après une visite du ministre français des Affaires étrangères à Alger, dimanche 6 avril. Ce n'était évidemment pas la première crise entre les deux pays depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, et les sujets sensibles sont encore si nombreux que cette réconciliation semble fragile. Des tensions récurrentes qui viennent d'abord heurter tous ceux qui ont des liens avec les deux côtés de la Méditerranée ; les Algériens de France, les binationaux, les enfants d'Algériens, tous ceux qui font que les liens entre les deux pays sont indémêlables.
En région parisienne, tous les vendredis soir, Abdelwaheb Sefsaf, le directeur du théâtre de Sartrouville, anime un atelier pour comédiens amateurs. Sur les 14 participants, les trois-quarts ont des liens avec l'Algérie. Ils ont entre 42 et 65 ans et ont accepté de nous raconter comment ils avaient traversé cette énième crise entre Paris et Alger. « Comme une violence inouïe, parce que cela remet en cause la question de la légitimité », confie d'emblée Mohamed, venu en France à l'âge de huit ans seulement en 1968.
Malika, dont les parents sont originaires d'Algérie, évoque la mise à l'écart du journaliste Jean-Michel Apathie pour avoir comparé les crimes de l'armée coloniale française en Algérie, à certaines exactions commises par les nazis. « Moi, cela m'a mise très mal à l'aise, et je crois que ce qui m'a fait le plus mal, c'est que tu as une espèce de négation par rapport aux exactions de la France en Algérie », estime-t-elle. Pour nos quatre comédiens amateurs, c'est l'un des plus gros nœuds. Selon eux, la France ne parvient toujours pas à regarder la réalité de son passé en Algérie.
« Je crois que la difficulté, elle est là : on n'arrive pas à s'entendre sur l'Histoire. Être Algérien, pour les gens, cela veut aussi dire être musulman. On a l'impression d'avoir un double handicap », regrette-t-elle. « C'est la double peine. Tous les musulmans sont attaqués aujourd'hui, mais l'Algérien, c'est la cible. Certains politiciens se sont dit "Voilà, on va toucher l'Algérie", parce qu'ils ont tous des comptes à régler avec les Algériens », estime Mohamed. « J'ai l'impression qu'être Français intégré ou assimilé, c'est renoncer à ses origines. Pour moi, c'est une hérésie », entend-on encore.
Alors, rien d'étonnant si le projet théâtral que leur a proposé Abdelwaheb Sefsaf les inspire. Il s'intitule Français du futur et ils l'écrivent ensemble. « Si j'ai besoin, moi, de faire ce travail, c'est parce que, quand j'étais enfant, j'étais assez troublé par le fait qu'on me qualifiait, non pas de Français de première génération, mais plutôt d'immigré de seconde génération, comme si mes enfants allaient être des immigrés de troisième génération, et ainsi de suite jusqu'à ne jamais devenir Français » se désespère le metteur en scène.
Mais c'est aussi son histoire qu'il lui fait dire que Paris et Alger n'ont pas d'autres choix que de se réconcilier. « La France a une histoire de 200 ans avec un pays arabe qui s'appelle l'Algérie. On ne peut pas la balayer d'un revers de main. Ce n'est pas possible. C'est d'abord nier l'histoire, c'est insulter la mémoire des disparus. Mais, pire encore, c'est insulter la mémoire des vivants. On tente de réduire l'écartèlement auquel on nous assigne, mais à un moment donné, cela devient intenable », explique-t-il.
Ainsi, pour ne pas se sentir écartelé, la petite troupe a décidé de se servir de son vécu, de ses richesses, pour dresser ensemble le portrait de ce qu'elle...
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France: des travailleurs sans-papiers demandent justice aux géants du secteur des déchets
4/6/2025
C'est le combat devant la justice française d'une dizaine de travailleurs sans-papiers majoritairement venus du Maroc et d'Algérie. Pendant plusieurs années, de 2019 à 2022, en pleine pandémie de Covid-19, ils ont trié les déchets dans les centres de recyclage de la région parisienne. Exploités par un sous-traitant, ils ont travaillé pour le compte de grands groupes du secteur. Rencontre avec ces travailleurs qui se battent pour leurs droits et leur régularisation.
Nous sommes devant le Conseil des prud'hommes de Paris, tribunal chargé de régler les litiges en lien avec le droit du travail en France. Ils sont une dizaine à être venus plaider leur cause. Tous ont travaillé pour le compte de NTI, une entreprise sous-traitante spécialisée dans le tri des déchets. Parmi eux, Hind, venue avec sa petite fille : « J'ai travaillé chez NTI pendant trois ans, sans contrat. J'ai trié les déchets sur le tapis alors que j'étais enceinte. J'ai dû travailler la nuit jusqu'à l'accouchement. Aujourd'hui, ma fille à trois ans demi. »
NTI a été placée en redressement judiciaire il y a bientôt deux ans. Mais ces anciens employés demandent réparation aux donneurs d'ordres Veolia, Suez, Paprec, pour le compte desquels ils ont effectivement travaillé. Pour leur avocate, Me Katia Piantino, les géants du secteur du déchet ont volontairement fermé les yeux :
« Le Code du travail demande aux donneurs d'ordres de vérifier que son sous-traitant ne commet pas de travail illégal. Cela veut dire qu'il n'emploie pas de travailleurs étrangers sans titre et ne commet pas de travail dissimulé. On leur demande de ne pas ignorer, parce que, ce qui ressort du dossier, c'est qu'ils ont profité d'une main-d'œuvre hyper bon marché du sous-traitant NTI, qui a raflé tous les contrats de sous-traitance dans le secteur. Pourquoi ? Parce que la main-d'œuvre était vachement moins chère... Bizarrement, puisqu'elle n'était pas déclarée. »
Heures supplémentaires non payées
Les travailleurs de l'ombre décrivent un système où ils étaient totalement captifs. L'un d'eux confie : « J'ai travaillé cinq ans au noir, dans l'incinération, dans les fours. Parfois, je travaillais la journée, la nuit. On travaillait sans formation, on faisait des heures supplémentaires sans être payés. On n'a pas eu droit au chômage, on ne pouvait pas refuser un travail. Parfois, ils nous appelaient la nuit pour commencer le matin. Et si tu refusais, tu n'avais pas de travail le mois d'après. »
Ali Chaligny, représentant syndical CGT chez Veolia qui les accompagne, ne veut pas résumer le problème à celui d'un simple patron voyou. Lui aussi dénonce un véritable système : « Ce sont des métiers en tension où les entreprises ont du mal à recruter, et du coup, il y a une délocalisation de la masse ouvrière des salariés. Étant donné que l'on ne peut pas délocaliser nos activités de collecte et traitement des déchets ménagers, pour pallier ce manque de main-d'œuvre, on délocalise les salariés en France pour assurer ces services essentiels à la nation. »
La justice attendra encore quelques mois. L'audience a finalement été reportée au 26 septembre 2025.
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France: à la mode parmi les jeunes, le tricot constitue une manière de consommer plus durable
4/3/2025
D'après une étude OpinionWay publiée en 2022, plus d'un tiers des Français de moins de 35 ans disent tricoter. Tutoriels sur les réseaux, ateliers dans les cafés, les occasions d'apprendre se multiplient. Illustration dans un café parisien où RFI a pu assister à un cours gratuit. Ici, on fournit la laine et les aiguilles, les débutants sont bienvenus.
Comme chaque mercredi, Perrine explique les rudiments du tricot chez Cortado, un café du Marais, dans le centre de Paris. Ce soir, le cours affiche complet. Pour Lalie, 21 ans, pas question de louper l'événement. « J'ai vu un truc sur les réseaux. Je me suis dit : "mais moi aussi, je veux en être". J'ai activé les notifications parce que j'ai vu qu'il fallait réserver puisqu'il y allait avoir beaucoup de monde. Dix minutes avant le lancement de la billetterie, j'étais sur Instagram en train d'actualiser la page. Voilà, on dirait un concert, mais c'est juste un atelier tricotage », plaisante-t-elle.
Ici, la moyenne d'âge est de 25 ans environ, surtout des filles, mais aussi quelques garçons. Comme Hugo, qui assiste à son premier cours : « Je fais de la sérigraphie, je travaille dans la mode et je trouvais cela intéressant. J'ai toujours dit non quand ma grand-mère voulait m'apprendre. Et là, je me suis dit : "pourquoi pas ?" On parle avec d'autres gens, qui sont très forts et moi très nul. On rencontre des gens, on boit un café ou un petit verre de vin et on fait du tricot. C'est le parfait mélange, après le travail », estime-t-il.
C'est pendant le confinement que le tricot a amorcé son grand retour. Une tendance très vite reprise par les influenceurs et qui depuis ne perd pas de vitesse. La preuve : aujourd'hui, le mot-dièse « #knitting », c'est-à-dire tricot en anglais, totalise plus de 27 millions de publications sur Instagram. Pour les jeunes générations, tricoter c'est devenu « cool » et cela réjouit Perrine qui anime l'atelier.
« Ce n'est pas du tout à la mode, à l'époque, quand même, quand j'ai démarré. J'ai 60 ans, j'ai pris l'habitude de dire que je n'ai pas eu de petit copain, mais que je tricote. Maintenant, c'est tendance. Je suis très contente qu'il y ait plein de gens qui veulent tricoter. Je pense que ce n'est pas juste un phénomène comme cela, qui va durer deux mois. C'est aussi lié aux problèmes de consommation à outrance. Ils viennent tous avec l'idée, je pense, de se faire quelque chose, un jour », raconte-t-elle.
Au cours de Perrine, tous les rêves sont permis. Même pour Alice, qui commence tout juste une nouvelle pièce. « Moi, c'est très basique, c'est un cache-cou pour l'instant. Mon rêve ultime : je crée mon pull et je vais à la Fashion Week », déclare-t-elle, amusée. En plus de la satisfaction de créer quelque chose de ses mains, le tricot a d'autres vertus.
Selon une étude OpinionWay publiée en 2022, 75 % des tricoteurs déclarent être plus heureux depuis qu'ils manient les aiguilles. C'est le cas de David, un tricoteur assidu, en pleine réalisation d'un grand sac en maille vert et blanc. « Quand je commence à le faire, je commence à oublier toutes mes autres préoccupations. Je suis tellement concentré sur le fait de faire chaque point correctement que j'entre dans une étape de plénitude », confie-t-il. À vos pelotes, donc. Vous avez encore deux mois pour vous entraîner avant la Journée mondiale du tricot, le 8 juin prochain.
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La montée en cadence de l'usine KNDS, fabricant du canon Caesar, symbole de l'économie de guerre
4/2/2025
« Nous entrons dans une économie de guerre », voilà ce qu'annonçait le président français Emmanuel Macron mi-2022. Désormais, trois ans après le début de l’invasion russe en Ukraine, l’Europe veut aussi prendre son indépendance militaire vis-à-vis des États-Unis de Donald Trump, qui se sont rapprochés de la Russie. Dans ce contexte, l’Union européenne prévoit de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros d’ici à 2030. Alors comment l’industrie s’adapte-t-elle ?
Ce qui frappe d’abord en arrivant à l’usine, ce sont les travaux d’agrandissement en cours. Là, un hangar provisoire. Ici, un trou de plus de deux mètres de profondeur sur plus de 100 mètres carrés pour faire place à de nouvelles machines. « On est dans la dernière canonnerie de France », explique Gabriel Massoni, porte-parole du groupe franco-allemand KNDS, leader européen de l'artillerie. Sur l'ensemble des munitions fabriquées par le groupe en France, 90 % partent en Ukraine. Mais aussi beaucoup de canons Caesar, qui sont faits en partie dans cette usine.
Dans l'usine, l'économie de guerre est une réalité depuis le début de l'invasion russe. « On a investi 600 millions d'euros en fonds propres depuis trois ans, pour tripler la production de canons Caesar et d'obus de 155 mm qui sont tirés par le canon Caesar. On a recruté, on a acheté des machines, on est en train de pousser les murs, donc on a cette expérience de l'économie de guerre », affirme le parole-parole.
Avant 2022, le groupe fabriquait un à deux canons Caesar par mois. Aujourd'hui, c'est six par mois. De longs tubes de métal de plusieurs mètres de long, usinés pas au millimètre, mais au micromètre près. Kévin travaille ici depuis dix ans. Il a vu les effectifs passer de 120 à 200 personnes et la cadence s'accélérer. Nous ne pouvons pas donner son nom de famille pour des raisons de confidentialité. « Ça a doublé au niveau effectif dans la ligne depuis que je suis arrivé. Et avec l'augmentation [de la production, NDLR], on a eu des demandes pour venir travailler les samedis matin aussi sur la base du volontariat », détaille-t-il. Sur sa ligne, où sont fabriqués les tubes de futurs canons Caesar, les salariés travaillent en trois huit, ce qui n'a pas toujours été le cas. Une dizaine de nouvelles embauches sont prévues cette année.
L'entreprise, qui avant s'appelait Nexter, a demandé à ses fournisseurs, plus de 2 000, d'accélérer aussi la cadence. « Tous nos fournisseurs, on les accompagne. Il ne s'agissait pas que KNDS soit en capacité de fabriquer huit canons par mois et que nos fournisseurs restent à une capacité de trois ou quatre », témoigne Laurent Monzauge, chef d'établissement KNDS à Bourges. Dans certains cas, le groupe a avancé de la trésorerie. Il a aussi parfois dû changer de fournisseurs.
Aujourd'hui, les carnets de commande du groupe sont pleins pour trois ans. Et avec la hausse annoncée des dépenses militaires en Europe, ils pourraient encore se remplir davantage. L'industrie de la défense emploie près de 200 000 personnes en France, entre emplois directs et indirects.
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Image écornée et propriétaires embarrassés, les reventes de Tesla se multiplient sur le marché de l'occasion
4/1/2025
Désamour passager ou début d’un véritable déclin ? Les ventes de voitures Tesla en Europe ont été divisées par deux en un an. Sur le marché de l’occasion, les annonces fleurissent depuis janvier. Une tendance difficile à interpréter, entre renouvellement de la gamme du constructeur, concurrence accrue et rejet d’Elon Musk. Certains consommateurs sont rebutés par les prises de position du patron de Tesla, l'un des plus proches conseillers de Donald Trump à la Maison Blanche.
Se séparer de sa Tesla, Alberto, qui travaille dans un quartier de bureaux au nord-ouest de Paris, y songeait depuis le rachat de Twitter, devenu X, par Elon Musk. C’est désormais chose faite. « J'ai vendu ma Tesla modèle Y en fin d'année 2024. L'élection de Donald Trump et l'implication de Musk dans la campagne électorale et ce qui en a suivi a fini de me décider. En tout cas, cela ne veut pas dire qu'un jour ou l'autre, si Musk n'est plus à la tête de Tesla, je ne retournerai pas chez Tesla. Mais à date, je pense qu'on ne peut pas cautionner ce qu'il fait », explique-t-il.
Une opinion partagée par Adrien, qui jette un regard quelque peu désenchanté vers sa voiture. Il a décidé de la vendre pour des raisons personnelles. Mais s’il n’a pas encore choisi son prochain véhicule, pour lui, une chose est sûre : « Je n'achèterai pas de Tesla. Avec la place qu'a prise Elon Musk dans l'actualité, toutes ses idées, cela ne passe pas vraiment. Financer son idéologie de fou furieux, c'est très compliqué. »
Ils étaient pourtant attachés à la marque. C’est l’intérêt d’Alberto pour l’innovation technologique qui l’avait persuadé d’opter pour le constructeur, il y a quatre ans. « J'étais plutôt convaincu par le concept qui avait plutôt l'image d'une marque avant-gardiste, en avance sur tous les autres », selon lui. Une image aujourd’hui écornée. Cyrille, collègue d’Alberto, qui vend sa Tesla achetée d’occasion il y a un peu plus d’un an, peut en témoigner : « On est passé de "bobo écolo" à limite d'extrême droite "nazi". »
Rayures, jets de peinture, incendies… Certains véhicules Tesla ont été ciblés par des militants anti-Elon Musk. Des évènements qui comptent aussi dans la décision de boycotter la marque. « Il y a aussi la crainte de se faire abîmer la voiture et qu'elle soit peut-être un peu moins vendable plus tard. Ce qui nous donne un peu raison, quand on voit tout ce qui concerne les prix de revente, le nombre d'annonces », abonde Alberto.
Trop de voitures alors que la demande recule. Sur Leboncoin, plateforme de petites annonces, le prix moyen des Tesla a baissé d’environ 3 000 euros depuis janvier. « Avec tout ce qui se passe et le bashing de Tesla, la cote a beaucoup baissé. À l'heure actuelle, elle est cotée approximativement 28 000 euros par la cote Argus, la cote officielle. Et à titre d'exemple, j'ai une concession BMW qui me propose une reprise à 17 000 euros. Donc, pour moi, ce n'est pas possible. », regrette Cyrille. Revendre sa voiture par désaccord avec Elon Musk, oui, mais pas à n’importe quel prix ! Cyrille a finalement décidé de garder son véhicule encore quelque temps, en espérant que le marché reprenne des couleurs.
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À Paris, la communauté malgache se rassemble pour fêter son Nouvel An
3/31/2025
Les Malgaches de la diaspora ont fêté leur Nouvel An, samedi 29 mars 2025. Et pour cette deuxième édition, un festival leur était dédié à la REcyclerie, dans le 18e arrondissement de Paris, un lieu écoresponsable qui met en avant depuis deux ans cet événement. Un espace dans lequel, pendant trois jours, cette diaspora, qui représente plus de 180 000 Malgaches en France, s'est retrouvée. Au menu : des conférences, une exposition photographique, un espace livres, des projections documentaires, des rencontres avec plusieurs collectifs, des musiques, des contes... Il y en avait pour tous les goûts.
Le Nouvel An malgache repose sur le calendrier lunaire, comme l'explique Hobi Rakotoson : « Il faut savoir que le Nouvel An malgache change d'une année à l'autre, puisqu'on est sur un calendrier lunaire. Mais le 29 mars est aussi la commémoration du 29 mars 1947, l'insurrection malgache contre la domination française. C'est l'un des moments phares de la lutte anticoloniale malgache. C'est donc une date importante qui coïncide avec le Nouvel An malgache. Être ici aujourd'hui, c'est très symbolique. »
Un Nouvel An engagé selon l'organisatrice de ce festival, Audrey Randjiamandjia, à la tête de l'association Malagasy Women Empowerment : « Ce festival est aussi un moyen pour toutes les personnes qui œuvrent pour Madagascar de valoriser ce qu'elles réalisent sur le terrain. C'est ce que nous faisons aujourd'hui : réduire l'écart d'information entre ce que les gens savent de Madagascar ici et ce que vivent ceux sur le terrain »,explique l'organisatrice.
« Nous y parvenons en organisant des ciné-débats, par exemple. Certains films sont interdits de diffusion à Madagascar, mais nous continuons à soutenir les réalisateurs et le cinéma malgache. Nous organisons aussi d'autres activités, comme des conférences, pour permettre à la diaspora, notamment ceux qui ne retournent plus à Madagascar ou qui ne s'engagent pas nécessairement, d'avoir les informations nécessaires et éclairées sur la situation actuelle du pays », poursuit-elle.
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Un festival qui crée des ponts et des liens
Kalina, présente pour ce Nouvel An malgache 2025, constate : « Franchement, mon pays me manque. J'ai juste envie de dire ça. Venir ici est très enrichissant. On a de la chance d'avoir ce genre d'événements ici, avec autant d'associations. »
Hobi Rakotoson, ingénieure de formation, a mis son métier entre parenthèses. Elle valorise la culture malgache à travers son entreprise Lamake, qui crée des jeux de société. « Souvent, on nous dit : "Ah, mais tu es malgache, mais tu ne parles pas malgache ?", "Oh, tu es malgache, mais tu as un accent" ou encore "Tu as vécu à Madagascar, mais tu n'as pas appris à parler malgache ?", constate-t-elle. Ce sont de vraies problématiques auxquelles nous, la diaspora, ou même des personnes ayant vécu là-bas, faisons face. Le but, c'est de permettre de faire un pas vers la culture malgache à travers la langue. L'idée est de débloquer cette barrière pour embrasser son identité, sa culture, ses origines et découvrir Madagascar. »
Il y a aussi des histoires de princesses et de princes avec Hanta, la conteuse. Et il est temps, en cette nouvelle année, de faire des vœux…
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Face à la concurrence asiatique, le fabricant français d'instruments à vent Selmer mise sur le haut de gamme
3/27/2025
La maison Henri Selmer, fabricant français historique d’instruments à vent, fête ses 140 ans. L’occasion de revenir sur le marché des instruments en France. Un million d’instruments neufs est vendu chaque année. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les fabricants français. En effet, 98% de ces instruments proviennent d’Asie. Pour survivre, les marques françaises misent sur le haut-de-gamme.
Par Pénélope Le Mauguen,
« Je crois que celui-ci par exemple marche bien. » Vous ne ferez peut-être pas la différence, mais pour ce musicien professionnel, tous les instruments ne se valent pas. Nous sommes à Mantes-la-Ville, à l’ouest deParis, dans les ateliers Henri Selmer, fabricant emblématique d’instruments à vent. « La richesse du son, c'est cette résonance qu'on sent, cette chaleur qu'on sent, ce côté même presque boisé qu'on a à l'intérieur du son de la clarinette », explique Adrien Besse, responsable de marché chez Henri Selmer.
Selon lui, les instruments importés sont très souvent d’une qualité acoustique bien inférieure. « La différence, elle s'entend à l'oreille. On peut vraiment, même en étant complètement novice, écouter deux instruments et sentir cette différence de richesse de son dès la première note. Généralement un instrument de mauvaise facture, il va avoir un spectre sonore extrêmement pauvre », estime-t-il.
Qualité médiocre mais prix agressifs, les instruments asiatiques ciblent particulièrement les débutants. « Dans les 20-30 dernières années, vous avez eu la concurrence chinoise qui s'est positionnée sur des instruments très, très accessibles. La majeure partie de la concurrence asiatique se situe plutôt sur les instruments intermédiaires et les instruments d'études, où elle est effectivement très âpre. Sur les instruments d'études, j’aurais tendance à dire que tous les instruments sont des instruments d'importation entièrement réalisés en Asie », selon Thierry Oriez, le président de l’entreprise.
Réputation inégalée
Cette situation a conduit à un effondrement du nombre de fabricants en France. Ils ne sont plus qu’une vingtaine aujourd’hui, contre 150 en 1960. Ceux qui restent tablent sur le haut-de-gamme. « Le savoir-faire de la fabrication, ça, c'est quelque chose qui reste vraiment spécifique. Donc on a des savoir-faire d'acousticiens, de techniciens qui rentrent dans la conception et ensuite la fabrication », comment Stéphane Gentil, chef de produit clarinette.
Une réputation d’excellence qui leur permet d’exporter partout dans le monde. Mais le contexte géopolitique depuis le retour de Donald Trump n’est pas pour les rassurer, ajoute Thierry Oriez. « On est quand même sur une période un peu surprenante, avec des incertitudes sur les droits de douane, des incertitudes sur l'activité économique en règle générale. Et tout ce n'est pas forcément favorable à l'activité, quelle qu'elle soit, et en particulier à l'activité culturelle », dit-il.
Solution défendue par les professionnels du secteur : que les pouvoirs publics incitent les écoles et conservatoires à acheter des instruments fabriqués en France.
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À l'université de Metz, un diplôme franco-ukrainien forme de futurs managers
3/26/2025
Depuis 2022, l’université de Metz, dans l’est de la France, dispense des cours de management et de commerce international à des étudiants ukrainiens. Une formation unique en France pour les aider à reconstruire leur pays à l’issue de la guerre.
Un reportage à retrouver dans son intégralité dansAccents d'Europe.
À écouter dans Grand reportageAprès 3 ans de guerre, les Ukrainiens résignés
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Pédocriminalité dans l'Église en France: le témoignage glaçant d'une victime de viol
3/25/2025
Près de 1 600 victimes de pédocriminalité dans l'Église en France ont saisi l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) depuis 2022, avec de nouvelles demandes suscitées notamment par la médiatisation de l'affaire abbé Pierre et le scandale des violences physiques et sexuelles de l'établissement Notre-Dame-de-Bétharram, dans le sud-ouest de la France.
L’Inirr, l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, instance créée fin 2021 par la Conférence des évêques de France, indemnise et accompagne les victimes de pédocriminalité dans l'Église. Elle présentait à la presse ce mardi 25 mars son rapport 2024. Depuis sa création, elle a accompagné 1 580 personnes, dont Gilles Tillet, à qui elle a choisi de donner la parole pour faire connaître encore un peu plus sa mission.
Gilles Tillet a 53 ans, il est scénariste. Il avait dix ans lorsqu'il a été violé par le père Preynat, un prêtre à l'origine d'un des plus gros scandales pédocriminels au sein de l'Église en France. Les souvenirs du quinquagénaire n'ont resurgi qu'en 2019. « Pendant le procès Preynat, la veille du verdict, je me suis mis à avoir d'importantes crises d'angoisse, de panique, de crises de larmes, d'insomnies, se rappelle-t-il. Je pensais que c'était dû à mon travail parce que j'ai toujours galéré dans mon travail. Et j'ai revécu concrètement les scènes de viols de Preynat. »
Gilles décide de porter plainte. Mais comme pour beaucoup d'autres victimes du prêtre, les faits sont prescrits. Sur les conseils d'un cousin, il contacte donc l'Inirr, l'instance de reconnaissance et de réparation pour les victimes de l'Église. « Quand on est violé à neuf ou dix ans, comme c'est mon cas, mon cerveau a switché. Comme c'est le passé et que c'est loin, est-ce que c'est vraiment arrivé ? Ça, c'est vraiment une question atroce. Comme toute la société maintient que ce n'est pas arrivé... Tout le monde savait, n'empêche que ça met dans le cerveau un vrai doute. Et donc c'est pour ça que j'ai écrit un document que j'ai apporté. »
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Les conséquences d'un viol sur un enfant
Gilles sort d'un sac un épais dossier. Il y a compilé des articles sur le père Preynat, des photos personnelles de l'époque, les récits de ses souvenirs. C'est avec ces documents qu'il rencontre les professionnels de l'Inirr. Avec leur aide, le quinquagénaire parvient à comprendre l'ampleur des conséquences des viols qu'il a subis. « J'ai pu déconstruire ma vie. J'étais vierge jusqu'à mes 28 ans. Moi, j'étais un bon élève. Donc pourquoi derrière 25 ans de RSA [un complément de revenu pour les travailleurs les plus pauvres] ? Il y a vraiment un énorme problème en fait. »
« Donc réaliser que j'avais été violé plus la démarche avec l'Inirr m'a permis quasi-immédiatement de sortir du RSA. Je me suis installé avec mon copain aussi, alors que ça faisait quatorze ans qu'on était ensemble. C'était concret. Qu'est-ce que ça fait de violer un gamin ? Voilà. Qu'est-ce que ça fait sur son cerveau ? », dénonce-t-il.
Si Gilles parle aujourd'hui, c'est pour encourager la parole des autres victimes. Alors il se réjouit quand elle se libère, tout comme récemment avec l'affaire Bétharram. « On n'imagine pas le courage des personnes. C'est incroyable ce que ça demande en fait, ces gens-là, mais bravo quoi ! », s'exclame le cinquantenaire. Un bravo que lui renvoie la salle, chose rare en conférence de presse.
Le rapport 2024 de l'Inirr.
À écouter dans Religions du mondeEmprise spirituelle: mécanismes et conséquences (volet1)
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Chez les mineurs incarcérés à Marseille, l'école en pointillé
3/24/2025
La loi proposée par Gabriel Attal sur la justice des mineurs doit être votée au Sénat ce 25 mars. Elle propose une dérogation à l'excuse de minorité pour les jeunes délinquants multirécidivistes, la possibilité d'une comparution immédiate et la responsabilité civile solidaire des parents pour les dégâts causés par leurs enfants. Cette loi pourrait augmenter le nombre de mineurs en détention. Visite d'un établissement pour mineurs à Marseille, ville particulièrement touchée par le trafic de stupéfiants.
De notre correspondante à Marseille,
À la prison pour mineurs de Marseille, les portes s'ouvrent, exceptionnellement, pour laisser passer le député des Bouches-du-Rhône, Hendrik Davi. Il fait valoir son droit de visite.
« On va voir quelles sont les conditions de détention des petits jeunes. On va voir les activités qu'ils peuvent avoir pour n'importe quel détenu. On va voir si les conditions de détention sont correctes. »
Depuis les rangées de cellules qui donnent sur la cour, 50 adolescents de 13 à 17 ans essayent d'attirer l'attention du député. Idrisse a autrefois fait partie de ces jeunes incarcérés. Il a aujourd'hui 29 ans et explique l'engrenage.
« Toute ma jeunesse, toute mon adolescence, je les ai passées dans les centres éducatifs fermés et la prison. La Busserine, c'est l'un des quartiers où il y a le plus de trafic. Et quand tu lèves la tête et que tu regardes autour de toi, tout le monde baigne dans le trafic pour subvenir à leur consommation, à leur style vestimentaire, à tout ça. Et puis petit à petit, je suis rentré dans le stup à guetter, à vendre et à monter de grades, jusqu'à voler et à braquer... »
Sur lui, la détention a eu des effets positifs.
« Oui, ça a été bien parce qu'il y a toujours des psychologues où ça te permet aussi de te poser, de faire une relecture un peu sur ta vie. Chez les mineurs, ça a été utile dans le sens où ils proposaient beaucoup de scolarité. Et aujourd'hui, je suis diplômé, moniteur éducateur, je fais une VAE pour être éducateur spécialisé. »
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« La notion d'apprentissage et la notion d'éducation, elle est fondamentale »
Mais ce jour-là à l'EPM, la direction l'avoue, il n'y a pas école à cause du manque de personnel. La situation n'est pas rare, elle est due à de nombreux arrêts maladie et des difficultés de recrutement. La juge pour enfant Laurence Bellon a suivi des mineurs pendant trente ans.
« Quand vous êtes avec un mineur, la notion d'apprentissage, la notion d'éducation, elle est fondamentale. L'idée qu'en frappant l'enfant va comprendre. Ce n'est pas vrai. Vous avez là ceux qui sont en grande difficulté et ceux qui ne sont pas en grande difficulté, ils le deviennent en étant placés avec des gamins qui sont très difficiles. On s'est mis à souhaiter de plus en plus que les mineurs soient traités, je ne dis pas comme des majeurs, mais un peu comme des majeurs. »
Des crédits qui favorisent l'enfermement, pourtant beaucoup plus coûteux que des places en foyer. Plusieurs syndicats appellent à manifester contre la loi Attal et pour une augmentation des moyens dans l'éducatif.
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Violences sexuelles dans le cinéma: la commission d’enquête touche à sa fin
3/23/2025
C’est un procès emblématique de la vague #MeToo dans le milieu du cinéma qui débute ce lundi 24 mars pour deux jours : celui de l’acteur français Gérard Depardieu. Il est jugé pour agressions sexuelles sur deux femmes lors du tournage du film Les Volets verts, en 2021. Et, à l'Assemblée nationale, une commission d’enquête chargée d’identifier les abus et les violences sur les plateaux de cinéma prévoit de rendre son rapport final le 9 avril prochain.
Depuis le mois de mai 2024, à l’Assemblée nationale et à l’initiative de l’actrice Judith Godrèche, une commission d’enquête est chargée d’identifier les abus et les violences dont sont victimes les majeurs et les mineurs sur les plateaux de cinéma, notamment. Les travaux de cette commission touchent à leur fin. Les députés qui en sont membres ont des propositions concrètes en tête pour faire évoluer le cadre législatif.
Ce fut l’un des temps forts des auditions menées par la commission d’enquête. Pendant une heure, le 7 novembre 2024, l’actrice française Sara Forestier témoigne de l’agression qu’elle subit sur un tournage en 2017. Des trémolos dans la voix, elle accuse son partenaire de jeu, l’acteur Nicolas Duvauchelle, de l’avoir giflée. L’équipe du film la dissuade alors d’engager des poursuites. « On essaye de m’empêcher d’aller au commissariat, raconte l’actrice. L’équipe panique. Ils ne savent pas gérer ce genre de situation. Il n’y a qu’une seule chose qui prend toute la place, c’est la peur, par rapport à l’argent et aux assurances. Et donc, tout de suite, on met la poussière sous le tapis et la victime doit encaisser. » L’actrice a depuis déposé plainte, l’acteur, lui, nie les faits.
Comédiens, réalisateurs ou producteurs : en six mois, la commission d’enquête a interrogé près d’une centaine d’acteurs du cinéma, du théâtre, mais aussi de la publicité. À l’heure de la conclusion des débats, la députée écologiste Sandrine Rousseau, présidente de la commission, dresse un bilan contrasté : « Il y a d’un côté le vécu des personnes victimes qui relatent des faits récurrents et de, l’autre côté, un monde du cinéma qui comprend les enjeux, mais qui reste encore assez aveugle à la réalité des vécus des personnes. »
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Le recours aux coordinateurs d’intimité
Un aveuglement et des défaillances. Exemple concret, l’audition de la réalisatrice Catherine Corsini, le 27 janvier dernier. Violences verbales à son encontre, accusations d’agression sexuelle à l’encontre d’un cascadeur… En 2022, le tournage de son film Le Retour est chaotique. À cela s’ajoute une scène à caractère sexuel impliquant une actrice mineure, non déclarée auprès de la commission des enfants du spectacle. Devant la commission, la réalisatrice s’en explique : « Je me suis dit qu’ils étaient d’accord. Ça les a fait marrer. On l’a fait rapidement et ça s’est bien passé. Mais j’admets qu’on n’aurait pas dû le faire, je le reconnais. » La députée Sandrine Rousseau intervient : « S'il y a un coach d'intimité, ça simplifie tout. » Catherine Corsini, lui répond : « À l’époque, je n’avais pas encore à l’esprit que le recours à un coach d’intimité pouvait entrer dans les pratiques. Je pensais que l’intimité, c’était le metteur en scène qui l’avait avec les acteurs. »
Le coordinateur d’intimité est une sorte de médiateur entre le réalisateur et ses comédiens qui encadre les scènes intimes. Un métier encore largement méconnu en France qui accuse, d’ailleurs, un certain retard en la matière. En 2024, on comptait seulement quatre coordinateurs d’intimité dans l’Hexagone, contre près d’une centaine outre-Atlantique. Par ailleurs, ils ne sont pas obligatoires sur les plateaux. Alors, c’est l’une des priorités identifiées par la commission et sa présidente, Sandrine Rousseau : « Les coordinateurs d’intimité, c’est vraiment parmi les personnes qui manquent dans les tournages. Il faut qu’on sache exactement ce qui va être...
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Tourisme: le voyage en solo, une formule qui fait de plus en plus d'adeptes
3/20/2025
Le salon mondial du tourisme 2025 s'est achevé mi-mars à Paris. D'après une récente étude du cabinet Protourisme, le nombre de Français prévoyant de partir en vacances cet été devrait diminuer par rapport à 2024. Ceux qui maintiennent leurs projets de voyage ajustent leur budget en réduisant certaines dépenses du quotidien. Si le choix de la destination reste une préoccupation majeure, une autre question se pose de plus en plus : avec qui partir ? Le tourisme en solo séduit un nombre croissant de voyageurs. Qui sont-ils ? Quels sont les avantages de partir seul ?
Agences de voyage, offices de tourisme, vendeurs d'équipement... Le Salon mondial du tourisme regorge d'idées pour les voyageurs. Dans son modeste stand, Didier Jehannot est un des spécialistes du tourisme en solo. Il travaille à l'association Aventure au bout du monde. Ses 1 200 adhérents partagent astuces et bonnes adresses :
« Je pense qu'il y a de plus en plus de gens qui réfléchissent à partir différemment. Les jeunes avant 30 ans, beaucoup de femmes aussi qui partent en solo parce qu'elles ont moins peur... Et quand on part en autonomie et en indépendant, en individuel si vous voulez, ça permet aussi de concrétiser son voyage, de le préparer. Quand on ne sait pas avec qui partir, le mieux, c'est de se lancer tout seul dans l'aventure. »
Maria a 22 ans. Sac à dos sur les épaules, elle revient justement de son premier voyage en solitaire : « C'était trop bien. J'aimerais bien répéter. Je suis allée juste deux jours. Je suis partie à Milan. Je suis partie juste pour visiter la ville et il n'y a personne pour me dire ce que je dois faire, parce que je suis toute seule. »
Hors des circuits balisés, la tendance du voyage solo peut sembler casse-cou. Pas pour cette quinquagénaire dynamique et ses 32 ans d'expérience en solitaire : « On ne drague pas, on ne fume pas et on ne boit pas. Et là, déjà, ça va mieux. Quand on est dans sa pleine conscience, on apprécie aussi tout ce qui est autour de nous. On est tout le temps en observation, et en même temps, quand il y a des rencontres, on se lâche complètement et c'est chouette. »
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Rencontres et échanges culturels
Des rencontres, par exemple en auberge de jeunesse ou lors d'une nuit chez l'habitant quand on ne dort pas à la belle étoile, sont autant de solutions pour ménager son budget. Et c'est plus facile en solo. « Ça ne coûte rien. J'y suis allée au Ladakh, qui est un pays à 5 000 mètres au nord de l'Inde, et ça m'a coûté, avec le billet d'avion, moins de 2 000 € pour un mois et demi par exemple, alors que pour certains, cette même destination leur coûtera entre 4 500-5 000 € pour 15 jours », poursuit l'expérimentée vacancière.
Philippe Mélul est un expert en la matière. Il a visité les 197 États indépendants du monde, souvent en solitaire. Il apprécie particulièrement les échanges culturels que ces conditions permettent : « Comme on est seul, on s'imprègne plus des contacts avec la population. On recherche le contact, donc on va vers les gens. Mais les gens viennent davantage vers vous aussi. Quand ils voient un couple, ils se disent ''on ne va pas les déranger''. Alors que si c'est une personne seule, le contact se fait plus facilement. »
Selon une étude menée par le Salon mondial du tourisme, près d'un voyageur sur quatre prévoit de partir seul cette année.
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L'inquiétude des locataires en difficulté face aux menaces d'expulsion
3/19/2025
La fin de la trêve hivernale approche : elle est prévue le 31 mars. Avec elle, les propriétaires auront le droit d'expulser les locataires de leur logement. Une situation redoutée par de nombreux locataires, qui parfois ne parviennent pas à payer à temps leurs loyers. C'est le cas de Steeve, 39 ans. Il est en situation de handicap et vit dans un hébergement temporaire depuis 2020. Les factures, les dettes et le poids d'une expulsion pèsent sur ses épaules.
Steeve se déplace difficilement, une canne dans la main : « J'ai une maladie des os, sur les deux hanches. Ça s'effrite et ça fait des trous. Et à tout moment, ça peut se casser. »
Le trentenaire ne travaille plus. Il sort peu de son 30m² qu'il partage avec son compagnon. Sur les murs peints en bleu, il a collé des posters de L'Académie des Héros et de One Piece, ses mangas préférés. Toute la journée, la télévision lui tient compagnie. Elle est là pour les séries, les jeux vidéo ou comme fond musical :
« À l'heure actuelle, la seule passion qu'il nous reste – vu que les voyages, ce n'est pas possible, les sorties, assez compliqué –, c'est la console de jeu. C'est le seul loisir que j'ai. Ou sinon, avec mon compagnon, on se fait des petites promenades dans le quartier pour aérer la tête. Même pour partir trois jours, on n'y arrive pas. J'ai des frais médicaux à payer, des factures à payer, plus le loyer à payer. Avec 1 100-1 200 euros, on n'arrive pas trop. »
Moon, un chaton au pelage gris, se frotte à ses pieds. Alors qu'il s'apprête à bondir sur un jouet télécommandé, quelque chose se faufile entre ses pattes : « Vous voyez hein, un cafard qui passe, il est venu nous saluer (rires) ! Depuis l'année dernière, je me bats avec les cafards. On a du mal à dormir parce que quand on dort, on sent des trucs. On se réveille, on voit que c'est un cafard. Quand on a des trucs à manger, on ferme tout. Le cafard va quand même grignoter les sachets fermés à l'intérieur. Du coup, on est obligé de jeter, ce n'est pas évident. »
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L'angoisse de se retrouver à la rue
L'appartement est insalubre, dangereux même. L'an dernier, une prise s'est enflammée. Paradoxalement, la plus grande crainte de Steeve, c'est de quitter ce logement. La fin de la trêve hivernale approche : « Je ne dois pas stresser, je ne dois pas angoisser, je dois essayer de rester zen, mais je ne peux pas. Le mois de mars approche, et à la fin du mois de mars, le courrier va arriver : il faut que je remette les lieux et je ne sais pas où aller. Mon compagnon n'a pas d'endroit aussi, alors on se retrouve tous les deux à la rue. »
Ça va faire dix ans que Steeve attend un logement social, mais son dossier est bloqué par ses impayés de loyer : « J'ai toute la bonne volonté, toute la bonne foi, je donne tout ce que j'ai comme argent pour le loyer. J'ai fait une demande de FSL (Fonds de solidarité pour le logement, NDLR) pour pouvoir payer mes arriérés de loyers. C'est une aide de l'État, mais elle a été refusée, car le montant de ma dette s'élève aujourd'hui à 6 600 euros. »
Courir après les aides, demander de l'argent à ses proches, sauter des repas plusieurs fois par jour... Steeve ne supporte plus cette situation. Il désespère et résume sa condition en une phrase : « Ce n'est pas une vie, c'est de la survie. »
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France: à court de solutions, l'Aide sociale contrainte d'héberger des mineurs étrangers à l'hôtel
3/18/2025
En France, depuis un an, l'aide sociale à l'enfance a l'obligation de placer les mineurs qui lui sont confiés dans des structures dédiées. Pourtant, de nombreux jeunes étrangers non accompagnés sont hébergés dans des hôtels, avec très peu de suivi social et éducatif. Dans l'Essonne, au sud de Paris, au moins sept hôtels hébergeraient, pour le département, des jeunes étrangers, selon une estimation de l'association Utopia 56. Rencontre avec deux adolescents camerounais en attente de solutions.
« Là, il est 23 heures, tu es en train de dormir et tu entends l'alarme comme ça. Là, c'est quelqu'un qui a fumé dans la chambre. C'est tout le temps comme ça, tu ne peux pas dormir. C'est tout le temps comme ça, c'est comme ça... » Sur son portable, Théodore montre les images filmées à l'intérieur de la chambre d'hôtel où l'aide sociale à l'enfance l'a placé provisoirement. Impossible de passer une nuit tranquille. Il ne s'y sent pas en sécurité :
« Vous ne pouvez pas mélanger des mineurs avec des majeurs et des gens qui viennent polluer l'hôtel et faire autre chose. Les toilettes ne sont pas hygiéniques, donc à tout moment, toi tu peux prendre une infection. Ou même les stupéfiants, ça se fume souvent dans les douches. »
Très vite, les jours se transforment en semaines, puis en mois. Théodore se lie d'amitié avec Sial, autre jeune âgé de 16 ans, comme lui, qui attend d'être placé dans une structure adaptée : « Moi, je suis resté dix mois, alors que normalement, on était censé faire quelques semaines et on devait me placer dans une structure. Mais jusqu'à présent, pas de suite. »
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Pourtant, la loi interdit formellement de placer des jeunes dans des hôtels
Pourtant, comme le rappelle l'avocate Johanne Sfaoui, la loi Taquet adoptée en 2022 encadre strictement le placement des mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance, qu'ils soient français ou étrangers : « Il y a, par la loi, une interdiction absolue de placer des jeunes dans des hôtels. C'est très clair. En cas d'urgence, une dérogation est possible, mais les mineurs seront placés pendant une durée maximum de deux mois dans des centres de vacances et des structures de jeunesse. »
Les passages des intervenants sociaux sont rares et les journées sont longues pour les deux garçons qui, malgré leurs évaluations de niveau, ne sont toujours pas scolarisés. « Ils nous ont dit qu'ils cherchaient un établissement, mais pour l'instant, il n'y a rien », explique Sial. Théodore ajoute : « Ils m'ont dit que j'allais normalement rejoindre un lycée, mais que je devais attendre jusqu'en septembre. Et en attendant, on tourne, on tourne... Le soir, on se couche, le matin, c'est pareil... »
Contacté par mail, le département de l'Essonne dit avoir été obligé d'héberger des jeunes en hôtel et travaille à réduire ces hébergements alternatifs. Théodore sort de sa poche les tickets-repas que se partagent les deux garçons : cinq euros pièce. C'est la seule contribution quotidienne du département. Cinq euros par jour à dépenser, car les repas ne sont pas fournis dans l'hôtel où ils viennent d'être à nouveau transférés pour une durée indéterminée.
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Les militants du Parti socialiste face aux divisions de leur parti
3/17/2025
À deux ans de la présidentielle et à trois mois de leur congrès, quel est l’état d’esprit des militants du Parti socialiste ? Olivier Faure est-il favori ? Ou bien ses nouveaux concurrents lui font-ils de l’ombre ? L’union avec les autres partis de gauche est-elle toujours d’actualité ? De nombreuses questions abordées dans une réunion publique organisée par le PS ans la petite ville de Fameck, en Moselle, dans l’est de la France.
De notre envoyé spécial à Fameck,
Quelques dizaines de militants socialistes sont présents pour cette réunion publique nocturne. Ils sont nombreux à avoir fait du chemin pour partager ce qu’ils pensent de l’actualité interne du PS. Après Nicolas Mayer-Rossignol, Boris Vallaud et Philippe Brun se lancent dans la course pour remplacer Olivier Faure.
Pour Christine et Jean, deux militants socialistes, ces nouvelles candidatures sont extrêmement saines. « C’est bon pour la démocratie, soutient Christine. Moi, je suis pour la contestation. Au PS, on a beaucoup de débats. » Et Jean de renchérir : « Le gros avantage que nous avons au Parti socialiste, c’est que nous avons plusieurs candidats et donc c’est la vraie démocratie qui va s’appliquer. »
Paul, jeune militant, y voit même un atout du PS par rapport à d’autres partis : « [Par rapport à] la France insoumise, évidemment, mais je pense aussi aux macronistes qui commencent à se structurer, mais qui n’ont pas ce type de débat en interne. »
Si les programmes de chacun seront présentés plus tard, on en connaît déjà les grandes lignes et les militants ont leurs préférences. Il y a les fauristes inconditionnels : « Moi, dans l’idée, ça serait plutôt de continuer sur la ligne de Faure, parce que je suis pour une alliance avec LFI », lance un militant. Rejoint par un autre : « J’ai toujours connu Olivier Faure et j’ai vu ce qu’il a mis en place pour remonter le parti et pour qu’on en soit là aujourd’hui. »
Et d’autres qui sont plutôt partisans du changement. Boris Vallaud a par exemple la faveur de ce militant : « Je trouve qu’il est avant-gardiste. Il prépare les choses, il pourrait donner de nouvelles idées. Il faut que le PS se retrouve. » Cette autre militante lui préfère Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen.
« Il faut une union de la gauche »
Si tous espèrent que le congrès du PS finira par un rassemblement, sans tomber dans le pugilat de 2022, la question du rassemblement avec le reste de la gauche reste au centre des attentions. « Au vu de la tripolarisation du spectre politique, il faut une union de la gauche pour arriver à des stades où on peut passer le second tour. » « Si on veut gagner, on n’a pas le choix. », insiste un autre.
Avec une réserve à cette union à chaque fois qui tient en trois lettres : LFI. « Aujourd’hui, avoir une étiquette insoumise, c’est quand même donner l’impression que pour gagner un électeur, il faut en perdre deux », déplore ce militant. « Moi, je suis pour l’union de la gauche, mais avec les insoumis, il faut avouer que c’est difficile quand même, parce qu’ils sont très radicaux », insiste cette militante.
Mais encore faut-il pouvoir se faire entendre face à LFI. Une sympathisante l’affirme, l’étape des municipales, l’an prochain, sera très utile pour replacer le Parti socialiste sur le devant de la scène. Et pourquoi pas en faire le moteur de l’union.
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Cinq ans après la crise du Covid, l'impact du confinement sur les jeunes
3/16/2025
Le 17 mars 2020, la France se confinait pour la première fois pour limiter la progression de l’épidémie de Covid-19. Un confinement de deux mois, suivi de port du masque obligatoire, de couvre-feux, de fermetures d’université... Si chacun a souffert psychologiquement de cette période, marquée par l’enfermement et la méfiance des autres, une tranche d’âge en a particulièrement souffert, celle des jeunes. Et les chiffres sur leur santé mentale sont alarmants.
Dans un bar du 15ᵉ arrondissement parisien, Maya commande un expresso. Il y a cinq ans, à l’heure du confinement et du Covid, cette rencontre dans un café aurait été impossible. « Je me dis que c’est dingue qu’on ait vécu ça, et maintenant, je n’y pense plus. Moi, j’adore sortir, je ne suis pas du tout casanière », s’exclame la jeune fille de 24 ans. Pourtant, elle garde un souvenir difficile de cette période. Sa mère travaillait à l’Agence régionale de santé et rapportait chaque jour, dans le cocon familial, des chiffres terribles.
Mais le pire, pour Maya, ce fut après. « J’ai emménagé dans un appart toute seule, mais là, pour le coup, j’étais beaucoup plus isolée, je trouve. Mes études, ça me soulait, confie-t-elle. En vrai, je suis un peu tombée en dépression à ce moment-là. C’était bizarre parce que, en même temps, c’était agréable pour le coup de ne plus être confinée dans le sens où je faisais beaucoup de choses dans mon appart. Mais je n’étais plus du tout stimulée. J’appréciais ma journée en soi, mais je ne voyais pas le but d’en faire une deuxième. »
Maya va mieux et ne rate pas une occasion de sortir. Une façon pour elle de récupérer un morceau de jeunesse volé.
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« Mon corps n’arrive plus à respirer, sans savoir pourquoi »
Pour d’autres jeunes, en revanche, depuis le confinement, l’extérieur est devenu menaçant. « Je ne vais pas forcément me balader, visiter Paris, faire des musées, des choses comme ça toute seule, témoigne Élisa, 28 ans. J’aimerais bien le faire plus, mais je ne m’en sens pas capable. » La jeune fille a toujours été un peu casanière, elle aime être chez elle, dans son appartement ordonné et chaleureux, un livre entre les mains ou devant une bonne série. Mais c’est après le confinement que ses angoisses ont commencé.
« Par exemple, aller faire mes courses, c’est une préparation mentale de fou... Ou si j’arrive dans un endroit où je ne connais pas grand monde et où je vais devoir sociabiliser, mon corps réagit, mon corps n’arrive plus à respirer, sans savoir pourquoi, pointe-t-elle. Ça me fait chier d’être comme ça alors que je suis à Paris, que je suis jeune, que j’ai 28 ans, que j’ai plein de choses à vivre et qu’en fait, je me fais des angoisses pour des trucs où, objectivement, ce n’est pas grand-chose. »
Le confinement laisse des séquelles — chez les jeunes, plus que dans les autres tranches d’âge. Mais 5 ans après, il n’est pas le seul responsable de leur mal-être. « C’est vrai que ces circonstances particulières ont fragilisé les étudiants, les ont isolés, et ont peut-être anticipé cette dégradation de leur santé mentale, indique Melissa Macalli, chercheuse à l'Inserm sur la santé mentale des jeunes adultes et les conduites suicidaires. Mais c’est vrai que les causes sont probablement multiples : l’aggravation de la précarité, du sentiment de solitude, l’impact des réseaux sociaux, mais aussi des facteurs environnementaux collectifs qui se sont ajoutés — notamment l’écoanxiété, les conflits internationaux et la situation politique mondiale qui les inquiètent beaucoup… »
Pouvoir parler de son mal-être est essentiel. Élisa l’a compris. Son objectif cette année : entamer une thérapie.
À écouter dans Grand reportageSanté mentale des jeunes, les difficultés de la prise en charge
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À Mayotte, trois mois après le cyclone Chido, le bilan humain reste incertain
3/13/2025
Selon les chiffres officiels, le bilan humain est de 40 morts et de 41 disparus suite au cyclone Chido. Un bilan très certainement supérieur, car la catastrophe a été la plus mortelle dans les bidonvilles où vivent une majorité de personnes en situation irrégulière. Or, ce public est inconnu et invisible de l’État, ce qui rend le travail de recensement des morts encore plus difficile.
De notre correspondante à Mayotte,
La rentrée scolaire le 27 janvier était attendue pour savoir si les élèves allaient être de retour en classe. Selon les professeurs, il y a eu quelques absents, mais il est difficile de toujours faire un lien direct avec Chido. Cependant, certains, comme Rayka Madani, ne reviendront malheureusement jamais à l'école.
La fillette de 10 ans a perdu la vie le 14 décembre, ensevelie sous la boue. Sa famille habite dans une case en tôle sur les hauteurs de Mamoudzou. Ce jour-là, en danger sous les rafales de vent, les parents ont décidé de partir se réfugier dans une maison en dur, mais sur le chemin, une coulée de boue a recouvert la mère et sa fille. « Je suis restée plus d'une heure dans la boue, raconte sa maman, Kaniza Djamil. J'étais toute seule, je ne pouvais pas l'aider… J'ai essayé, mais je n'ai pas réussi. » La fillette est transférée à l'hôpital et comptabilisée parmi les 40 morts.
Comme c’est le cas avec cette petite fille, c’est dans les bidonvilles que la catastrophe a été la plus meurtrière. Faizi Ali, 28 ans, habitait lui dans celui de Kawéni. Quand le vent a commencé à souffler, il est parti mettre à l'abri ses enfants, mais il n'est jamais revenu. « C'est là que le vent a commencé. Il y a la maison qui est tombée sur nous. Il voulait venir nous récupérer et c'est là que l'auto lui a arraché le ventre, se rappelle sa femme de 24 ans, Saidati Mohamed. J'ai vu des gens, ils sont venus nous récupérer, moi et son fils, son fils aîné. Il y a quelqu'un qui est venu me dire d'être forte, mais que mon mari était mort. Et là, j'ai pleuré, j'ai pleuré. »
À écouter dans L'invité internationalCyclone Chido à Mayotte: «La population n’était pas du tout préparée»
Un bilan officiel « ridicule »
Faizi Ali était en situation irrégulière à Mayotte et gagnait sa vie de petits boulots, réparation de voitures, maçonnerie... Lui aussi a été décompté dans le bilan officiel parce qu’il a été transféré à l'hôpital. Mais beaucoup de décès de personnes « sans-papiers » n’ont pas été déclarés, selon de nombreux observateurs. Puisqu’ils sont inconnus des autorités, leurs proches n’ont pas d’intérêt à demander un certificat de décès. Ce paramètre rend un bilan précis impossible.
Caroline Fivet est médecin à l'hôpital de Petite-Terre, elle a travaillé le jour de Chido. Le bilan officiel est « ridicule », selon elle. Elle-même a vu des enterrements alors qu’elle rentrait du travail avec ses collègues. « On voyait déjà des gens qui étaient en train d'enterrer leurs familles », témoigne-t-elle.
Un de ses collègues, qu’on appellera Martin, confie qu’une quinzaine de familles se sont présentées à l'hôpital de Petite-Terre demandant de venir faire un constat de décès dans leur quartier. Mais les soignants avaient l’obligation de rester sur leur lieu de travail. Il suppose donc qu’elles n’ont pas attendu avant d’enterrer les corps.
La préfecture a lancé une mission de recherche des personnes disparues fin décembre, mais depuis son lancement, le bilan n’a pas progressé.
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